Je l’ai rencontré un jour, sans que je ne m’y attende. J’avais rendez-vous dans une agence d’une grande compagnie d’assurances et c’est lui qui m’a accueillie. Il était chef de cette succursale. D’un abord énergique et emprunt de zèle, il m’a assuré qu’il allait me proposer ce qu’il y avait de meilleur pour moi, en termes de contrat.
Discussion
Afin de pouvoir me soumettre une proposition, il m’a posé des questions personnelles. Lorsqu’il a abordé l’item relatif à ma profession, il a posé son stylo et a commencé à dévier de sujet. En effet, à ce moment là, je travaillais dans l’insertion professionnelle des jeunes de 15 à 28 ans, en difficultés multiples. Ce sujet a semblé le captiver et il avait beaucoup de certitudes à propos de mes clients, mais aussi sur le monde du travail en général et, finalement, sur son propre job.
Difficulté majeure
Il me dit combien il était difficile de trouver aujourd’hui des gens compétents et efficaces. Il ne comprenait pas que l’on puisse se satisfaire de choses simples ou inutiles. Tout le monde devrait avoir envie de prestige. Toutes les opportunités sont à saisir dans cette direction. Il affirmait que « la fin justifiait les moyens », qu’aujourd’hui nous manquons d’individus courageux et que la majeure partie des humains ne pensaient qu’à se laisser aller à des débordements de « sensibleries inutiles », alors que nous n’avons pas le temps pour cela, car la vie passe très vite. Comme je l’écoutais sans mot dire, il s’interrompit un instant pour me demander si j’étais d’accord avec lui.
Piste de développement
En réponse à toutes ses affirmations, je lui ai demandé s’il n’avait jamais subi d’échec. Il me répondit que cela lui était arrivé dans une activité créatrice manuelle, qu’il avait été contraint de réaliser dans le cadre d’une société locale,à laquelle il appartenait. Il en conservait un souvenir désagréable, mais que finalement ce n’était pas si grave. La créativité n’avait jamais été son fort et que si tout le reste fonctionnait comme il le désirait, à savoir : son travail, son salaire, ses goûts de luxe et, enfin, sa femme et ses enfants, le reste n’avait pas d’importance. Nous avons alors conclu notre entretien et je suis partie.
Des mois se sont écoulés jusqu’au jour où j’ai reçu son appel. Effondré par le départ de son épouse, il n’avait plus goût à la vie. Nous avons beaucoup travaillé sur la modification de toutes ses certitudes et de sa vision du monde. A force d’entretiens, M. Gagnant a finalement compris l’importance de l’authenticité, de la patience et de la tolérance. Ainsi, il avait décidé de renoncer à être un bourreau du travail et, parfois, de son entourage. C’est ainsi que « le cygne s’est transformé en condor ».
Car le monde ne pourrait pas se passer des capacités de travail et de réussite que tous les Mme et M. Gagnant peuvent lui apporter.