Très exigeant envers lui, comme avec les autres, M. Parfait a été un jour mon collègue. Ce n’était pas évident de travailler avec lui, notamment sur le projet créatif qui nous avait été confié. Dans sa conception des choses, il n’y avait toujours que 2 possibilités : ce qui est juste ou ce qui est faux. Ainsi, il avait une vision du monde, clivée en noir ou en blanc. Il se souciait beaucoup du moindre détail et ne supportait pas les débordements émotionnels des collègues, durant les séances de groupe.
Discussion
Pour lui, tout problème n’a qu’une solution : celle qui correspond à la droiture et aux normes qu’il affectionne. Il était fréquent de l’entendre argumenter qu’il avait raison, parce qu’il est plus méthodique, organisé et ponctuel que les autres. Résolu à mener sa tâche à bon port, il était souvent le premier au bureau et le dernier à quitter sa place de travail.
Les semaines passèrent et l’été arriva, ainsi que ses vacances. Je me souviens combien de temps et d’énergie il avait dépensées pour les organiser. Il ne voulait rien laisser au hasard. Tout était planifié dans les moindres détails.
Difficulté majeure
Cependant, il se sentait pris au piège par son « juge intérieur ». Celui-ci le poussait à être toujours plus performant et M. Parfait éprouvait, parfois, le sentiment d’être dépassé par ses responsabilités. Lorsque cela lui arrivait, nous devions affronter ses jugements sévères, son intolérance qui pouvait aller jusqu’au dogmatisme. Et lorsque ses attitudes soulevaient un conflit avec l’un ou l’autre d’entre-nous, il adoptait des stratégies de gestion, telles que quitter la pièce en ricanant ou en lançant une brève tirade teintée d’ironie ou de moquerie.
Par ailleurs, il avait résolument beaucoup de peine à accepter de vivre tout le plaisir de l’existence. Chaque chose à ses yeux ressemblait à une discipline stricte.
Piste de développement
A son retour de vacances, los d’une discussion rapide, il nous avoua qu’il avait découvert les joies de la cuisine espagnole. J’ai appris, avec étonnement, qu’il se nourrissait toujours de la même manière, depuis de nombreuses années. C’est là que m’est venue l’idée d’organiser ponctuellement une sortie avec l’équipe du projet, en vue de partager un repas dans des restaurants aux cuisines variées. J’ai pensé que cela pourrait peut-être dynamiser la cohésion de l’équipe. D’abord sur la retenue, M. Parfait y prit vite goût. Comme il appréciait de plus en plus cette initiative, il se mit lui-même à suggérer des restaurants et nous en faire la surprise ! Nous avions ainsi pu découvrir combien il pouvait être, loyal, agréable et modéré dans ses jugements et ses comportements. C’est ainsi que « le doberman s’est transformé en abeille ».
Car le monde ne pourrait pas se passer de la rigueur et des idéaux élevés que tous les Mme et M. Parfait peuvent lui apporter.